Le 28 octobre 2020, Aïssatou Nènè Baldé, sage-femme au Centre Médical Communal (CMC) de Matam, une commune de Conakry, nous confiait :
« je suis à Taouyah, précisément à Gnariwada. C’est l’un des quartiers de forte tension. Mais, je sors pour aller au service parce que les femmes ont besoin de moi ».
Le secteur Gnariwada, dans le quartier de Hamdallaye est réputé pour être infréquentable en période de crise. De nombreux affrontements y sont régulièrement notifiés avec des dégâts matériels et des morts d’homme et de femme. Depuis l’élection présidentielle du 18 octobre 2020 en Guinée, ce quartier fief de l’opposition guinéenne, est tourmenté par de nombreuses et violentes manifestations entre les jeunes et les forces de l’ordre.
Il faut avoir du courage pour sortir de chez soi en période de manifestation à Gnariwada. Mais pour la sage-femme Aïssatou Nènè Baldé, nouvelle recrue du projet conjoint UNFPA-Takeda pour la continuité des services de santé de maternelle et néo – natale en période COVID 19, rien ne vaut la vie des femmes qui viennent pour accoucher, s’offrir une méthode contraceptive, avoir un conseil ou un service pour leur santé sexuelle et reproductive .
« Nos clientes et patientes avant tout » lance – t – elle sur un ton de défi.
Il est treize heures. Aïssatou Nènè Baldé est dans la salle d’accouchement. Elle y est depuis 7 heures du matin sous le regard vigilant de la sage-femme senior en charge de la maternité du CMC de Matam. Elle nous accueille avec un sourire aux lèvres.
« Je suis sortie de chez moi à 6 heures. J’ai dû emprunter plusieurs chemins pour venir au CMC enfin d’éviter d’être attaquée par les manifestants de ce quartier » indique – t – elle pour nous confier à quel point la situation sécuritaire est délicate.
« Cela me coûte plus cher pour le transport mais je le fais pour ne pas chômer et aussi sauver les vies des pauvres femmes qui viennent au CMC pour leurs consultations et accouchements. La vie de mes patientes vaut mieux que le transport cher que je paie » poursuit pendant qu’elle administre les soins à un nouveau – né qui vient de pousser ses premiers cris. « C’est une fille, elle est en parfaite santé, et prête pour aller sur la poitrine de sa maman » nous dit – elle d’un air satisfait.
En effet, le CMC de Matam est l’un des structures de santé les plus fréquentées de Conakry. En moyenne, le centre enregistre en moyenne quatre cent soixante-sept (467) naissances par mois.
« Nos sages-femmes qui travaillent pendant cette période de crise politique sont braves et courageuses parce qu’elles affrontent à la fois la COVID 19 et la crise politique », c’est en ces termes que le Directeur du CMC de Matam a qualifié les sages-femmes recrutées sur le projet conjoint UNFPA-Takeda.
Leur mission est d’offrir dans les conditions de sécurité maximale, les soins de santé maternels de qualité dans dix (10) structures sanitaires avec le respect de toutes les mesures barrières en ce temps de COVID 19. Environ 35 000 femmes en âge de procréer pourraient avoir besoin des services de ces sages-femmes et 14 240 naissances sont attendues dans ces structures sanitaires sur une période de huit mois.
« Nous devons assister chacune de ces femmes » affirme t – elle.
Face au danger que représente la COVID-19, ces sages-femmes ont été formées et dotées en équipement de protection individuelle. Les structures de santé où elles travaillent ont été équipées pour offrir un environnement sécurisé contre la COVID 19 aussi bien pour les prestataires que pour les clientes. Mais face aux violences liées à la crise politique post-électorale du pays, seul le courage galvanise ces sages-femmes.
Pour ces sages-femmes, aucune crise ne peut arrêter leur travail.
« Si la crise post-électorale doit nous arrêter, alors des femmes risquent de perdre la vie. C’est pourquoi, nous dévions même l’insécurité, la crise politique, la COVID 19 nous rendre au centre pour sauver les vies » affirme Loua Joséphine, sage-femme au CMC de Flamboyant, dans la commune de Ratoma, localité au cœur également de nombreux affrontements dans le pays.
Comme pour dire qu’au-delà de Aïssatou Nènè Baldé, toutes les autres sages-femmes qui vivent dans les quartiers de haute tension affrontent et bravent la crise politique tous les jours pour garantir aux femmes et filles l’accès aux soins de santé maternelle et néo natale à Conakry.