LA GUINÉE S’APPUIE SUR SON EXPÉRIENCE POUR UNE GESTION OPTIMALE DES URGENCES SANITAIRES
La Guinée a été confrontée à de multiples urgences sanitaires dont la plus mémorable a été l’épidémie de la maladie à virus Ebola de 2014-2016
La Guinée a été confrontée à de multiples urgences sanitaires dont la plus mémorable a été l’épidémie de la maladie à virus Ébola de 2014-2016. Le pays qui s’était battu contre cette épidémie s’en est sorti avec une solide expérience non seulement dans la gestion des épidémies mais aussi en matière de préparation, de réponse et de suivi-évaluation.
C’est ainsi que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSS) a été mise en place, le 4 juillet 2016 à la suite de la réapparition de la maladie à virus Ébola en Guinée et dans la Sous-région ouest africaine. Depuis sa mise en place, l’ANSS a géré avec efficacité des épidémies multiples et simultanées, notamment la fièvre jaune, la rougeole, la COVID-19, Ébola, Lassa et Marburg, respectivement, en 2019, 2020, 2021 et 2022.
Le cadre de préparation et de réponse aux urgences de santé publique implique tous les secteurs et diverses disciplines. Son efficacité est le résultat de la compétence de ses ressources humaines et de l’accompagnement des partenaires dont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
L’expérience durement acquise a été partagée lors du forum national sur la gestion des épidémies multiples et simultanées tenu du 16 au 18 novembre à Conakry. Ce forum a connu la participation des pays comme le Bénin, le Burkina Faso, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Rwanda, le Sénégal, la République démocratique du Congo, les Etats-Unis d’Amériques et la Suisse. Il s’est agi de partager l’expérience de la Guinée en matière de préparation, de réponse et de suivi-évaluation des épidémies.
Des témoignages des survivants d’Ébola ont permis aux participants du forum de mieux comprendre l’impact de la maladie sur la vie de ces personnes guéries et de leurs proches.
Témoignage du Dr Mamadou Oury DIALLO, Président de l’Association guéris de la maladie à virus Ébola
"Nous sommes 1268 personnes (591 hommes et 677 femmes) guéries de l’épidémie de la maladie à virus Ébola de 2014 à 2016. Survivants de la maladie à virus Ébola, nous avons enregistré à l’époque, 6220 orphelins, 500 veuves et veufs. Sur le plan social, les survivants sont des personnes qui ont été stigmatisées, discriminées de long en large. Grâce aux différents programmes mis en œuvre par l’État guinéen et ses partenaires techniques et financiers, nous avons réussi à surmonter ce fléau de stigmatisation qui gangrénait la société à l’époque et qui jusqu’à présent, a laissé des séquelles aux survivants. Certains n’osent pas encore se présenter comme survivants de la maladie de peur d’être automatiquement rejeté. Nous voulons que les communautés comprennent que nous ne sommes pas une menace mais plutôt une opportunité car à un moment donné de l’histoire, le système de santé de la Guinée a changé de visage grâce à l’action des survivants de la maladie à virus Ébola.
Nous avons participé à la lutte contre la propagation de la maladie en sensibilisant les populations en utilisant des messages telle que : ‘si c’était ton fils, si c’était ta maman, si c’était ton père, ton frère de lait est-ce que tu allais les rejeter parce que c’était un malade d’Ébola et qu’il ou elle a été guérie’. Pourquoi ne considèrent-ils pas cette maladie comme le paludisme ? Alors halte à la discrimination, à la stigmatisation des personnes ayant contracté la maladie. Par cette sensibilisation, bon nombre de compatriotes ont compris l’essence de notre message et au fil du temps nous avons constaté de moins en moins d’agressions. Nous avons participé à la dispensation des produits au niveau des centres de traitement épidémiologique (CT-Pi) du pays et nous avons compris que l’on pouvait assister les autres personnes malades dans les différents centres. Nous étions devenus quasiment les 1ers intervenants en cas de suspicion de maladie à virus Ébola.
Sur le plan médical, nous avons été soutenus par l’État guinéen, mais aussi par des partenaires. Malheureusement, suite à la fin des programmes d’assistance aux survivants, l’accompagnement qui nous était offert a également pris fin. Nous souhaitons que la maladie à virus Ébola soit institutionnalisée par l’État guinéen mais aussi par les partenaires techniques et financiers. Car vu la probabilité très forte de résurgence des maladies à potentiel épidémique sur le continent africain, il serait bien d’avoir des programmes établis comme le Programme national de lutte contre le paludisme pour mieux lutter contre la maladie Ébola. Nous encourageons aussi la recherche scientifique. Nous sommes prêts à accompagner les chercheurs pour les prélèvements et toute autre procédure nécessaire pour plus que aucun pays n’ait à faire face à une nouvelle épidémie de la maladie à virus Ébola ou à mieux se préparer contre cette maladie''.
L’accompagnement du gouvernement à travers l’Agence nationale de sécurité sanitaire a joué un rôle important dans le retour à une vie normale pour ces survivants. Dès le début, l’accent a été mis sur le renforcement des capacités du personnel car les autorités sanitaires ont fait du renforcement des capacités des différents acteurs de la riposte un moyen principal pour lutter contre les maladies. Des comités d’urgence ont été installés à tous les niveaux et 64 structures sanitaires des services de santé militaires ont été intégrées dans la commission de coordination de la lutte contre les maladies à fièvre hémorragique virale (FHV). Les différentes mesures se sont accompagnées de la sensibilisation des populations à la base à travers la mobilisation des leaders communautaires et religieux pour faire passer les bons messages sur la prévention contre les maladies.
Fort de l’appui de l’OMS, l’Approche « Une seule santé » qui est une stratégie permettant une meilleure coordination multisectorielle, a été adoptée. Grâce cette approche, la collaboration entre les différentes disciplines au sein de l’ANSS, notamment la santé humaine, la santé animale et le secteur l’environnemental, permet d’avoir une vue holistique dans la gestion des épidémies. L’objectif visé par la Guinée est d’offrir une meilleure santé à ses populations car la santé est essentielle pour la vie.
Lors de la résurgence de la maladie à virus Ébola en février 2021 dans la région de Nzérékoré, le plan de riposte a permis de mettre en œuvre les fonctions essentielles de sécurité sanitaire au niveau des points d’entrée et points de contrôle sanitaire, le long des frontières de la Guinée avec les pays voisins. Une stratégie qui a aidé le pays à éviter la propagation transfrontalière de la maladie comme ce fût le cas en 2014 et 2016.
On se souvient qu’avec l’avènement de la COVID-19 en 2020, le gouvernement guinéen a mis en place un programme prioritaire d’urgence composé de trois volets que sont : le volet sanitaire, le volet social et l’appui au secteur privé. Un programme qui a permis de minimiser l’impact de la pandémie. Dans le cadre du renforcement de l’engagement communautaires, les activités de sensibilisation et les sessions de dialogues communautaires couplés à la vaccination se sont avérés efficaces. Car les communautés sont de plus en plus favorables à se faire vacciner et transmettre les bons messages afin de convaincre ceux qui hésitent encore.
En 6 ans d’existence, l’Agence national de sécurité sanitaire a géré plusieurs épidémies, obtenu des résultats et en a tiré des leçons. En termes de résultats, on peut, entre autres, citer, le renforcement de la surveillance à base communautaire des maladies à potentiel épidémique, à travers l’alerte et la notification précoce des cas de résurgence de maladies, la participation des leaders communautaires et religieux dans la lutte contre les rumeurs ainsi que la sensibilisation sur les mesures préventives.
Les travaux du forum national sur la gestion des épidémies multiples et simultanées ont recommandé deux axes stratégiques pour permettre à la Guinée de maintenir le cap :
- Le premier axe est relatif à la consolidation des acquis de la coordination, la gouvernance dans la gestion des épidémies, ainsi que l’implication des ministères sectoriels dans la prévention et la riposte aux épidémies.
- Le second axe insiste sur le renforcement de l’engagement des communautés dans toutes les phases de la prévention et de la riposte.
L’OMS, en sa qualité de chef de file des partenaires dans le secteur de la santé, joue un rôle de plaidoyer pour un accroissement du financement alloué à la santé d’autant plus que la mobilisation des ressources demeure un défi majeur pour faire face efficacement aux épidémies. Les partenaires techniques et financiers tels que GAVI, l’USAID, l’Union européenne, la Banque mondiale, CDC, l’UNCERF, CFE, la Coopération allemande et bien d’autres apportent un appui considérable au gouvernement guinéen dans la préparation et la lutte contre les maladies à potentiel épidémique, et ce à tous les niveaux du système de santé.
A la date du mois de novembre 2022, l’OMS a contribué à la mobilisation d’environ 10,000,000 $ auprès de différents partenaires bi et multilatéraux pour la gestion des épidémies dans le pays. L’Organisation réitère son engagement à accompagner la République de Guinée dans la lutte contre les maladies et dans la promotion d’un bien-être de ses populations.
Pour une gestion efficace et efficiente des épidémies, il est important et nécessaire pour tout le système de santé d’agir conformément aux orientations et recommandations du Règlement sanitaire internationale (RSI) avec comme boussole l’Approche « Une seule santé ».