FRONTIÈRE GUINÉE – CÔTE D’IVOIRE : CULTIVER LA PAIX ET L’UNITE A TRAVERS LES CHAMPS
Depuis plusieurs années, les autorités locales sont préoccupées par la résolution des tensions exacerbées entre “éleveurs” et “agriculteurs”.
Les espaces transfrontaliers sont fréquemment le théâtre de conflits liés à la transhumance. Dans leur quête de pâturages, les éleveurs se retrouvent parfois débordés par leurs troupeaux, qui s'égarent et causent des dommages aux cultures agricoles. Ce qui engendre ainsi des altercations, souvent violentes, entre éleveurs et agriculteurs.
Les zones transfrontalières situées entre la République de Guinée et la Côte d'Ivoire ne déroge pas à cette situation conflictuelle. En effet, depuis plusieurs années, les autorités locales sont préoccupées par la résolution des tensions exacerbées entre “éleveurs” et “agriculteurs”. Toutefois, dans les villages frontaliers de Tinkoro, Togobala et Dirita, l’intervention du projet “Consolider la Cohésion Sociale transfrontalière entre la Côte d’Ivoire et la Guinée pour une meilleure compréhension et anticipation des risques et le renforcement de la confiance et de la collaboration entre les acteurs locaux (CoSocFront)" contribue à restaurer une cohésion sociale solide. Ce projet des Nations Unies est financé à hauteur de plus de 3,7 millions USD par le Fonds pour la Consolidation de la Paix et mis en œuvre conjointement par l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture(FAO), pour une durée de 2 ans (Octobre 2021-Octobre 2023) .
En cette matinée du samedi 23 septembre 2023, une quiétude enveloppe le village de Tinkoro, niché en pleine forêt à une distance d'environ 95 kilomètres du centre-ville de Beyla, et à près de 3 kilomètres de la frontière ivoirienne. Les habitations se trouvent presque désertes, laissant place à un seul événement majeur en ce jour : les travaux agricoles collectifs.
« Ici, à Tinkoro, les samedis sont réservés aux travaux collectifs. À tour de rôle, chaque cultivateur s’apprête à recevoir les groupements dans son champ par semaine. C’est une journée entière de semence ou de récolte », précise Siaka CAMARA, Président du district de Tinkoro, à l’équipe des Nations Unies, en visite de terrain.
Il évoque, dans la même dynamiques, les acquis du groupement des hommes dénommé « Kaméréngna » et celui interethnique (peuls et Koniakés ) dénommé « Benkadi » regroupant plus de 27 femmes. La mise en place de ces groupements a été facilitée par le projet « CoSocFront ». A leur actif, on relève deux champs de riz, environs 2 hectares chacun. Le projet a aussi doté ces groupements d’équipements, d’intrants agricoles et des bœufs de labour. Bien que leurs champs soient florissants, l’inquiétude de les voir ravagés par les bœufs est tout aussi apparente. D’où le risque potentiel de conflits si rien n’est fait. Le projet offre à cet effet, un cadre propice pour comprendre la situation, favoriser le dialogue et prévenir les conflits en faveur d’une cohésion sociale plus pérenne dans ces zones.
VERS UNE ENTENTE PLUS DURABLE …
Au lieu de s’appuyer sur des groupes d’autodéfense, les éleveurs et agriculteurs se tournent plutôt vers le « comité de prévention /réclamation » qui a été mis en place par le projet. Cet organe communautaire a pour rôle de prévenir et de gérer les conflits dans les villages ciblés.
« Grâce au comité de réclamation mis en place, il y a de l’entente entre nous, les agriculteurs et les éleveurs. Avant, on se rendait justice nous-mêmes sur fonds de violences, mais aujourd’hui c’est le comité qui gère tous les conflits à l’amiable à Tinkoro », se réjouit Lancinet KEITA, Président du groupement « Kaméréngna » de Tinkoro.
A près de 3 km de la Côte d’Ivoire et 120 Km de Beyla, Togobala a aussi son « comité de réclamation ». A la tête du comité, le Maire de la localité, Lanciné KOMARA, assure lui-même la présidence. Il se souvient encore du conflit récent que son comité a géré à l’amiable.
« Les bœufs sont venus brouter dans un champ se situant sur le territoire guinéen. Les bœufs appartiennent à un ivoirien. Le propriétaire du champ s’est plaint à mon niveau. Il menaçait de tuer les bœufs. Je lui ai rappelé que ce n’était pas la bonne décision. J’ai appelé le propriétaire des bœufs. Nous avons constaté effectivement les dommages dans le champ. Le comité a fixé un montant à titre de dommage dont le propriétaire des bœufs s’est bien acquitté », relate-t-il
La même situation prévaut à Lola, surtout dans le village de Dirita où l'élevage et la culture maraîchère constituent les principales activités des communautés. Dans le passé, la coexistence entre les acteurs de ces deux secteurs de l'économie locale se révélait ardue dans la localité. C’est grâce à l'installation de clôtures tout autour des champs, à travers ce projet, que les conflits ont considérablement diminué. De plus, le "comité de réclamation" constitué veille scrupuleusement à renforcer la fraternité entre les ressortissants ivoiriens et guinéens présents dans la région.
« Avant, nous pouvions recevoir plus de 40 plaintes liées aux conflits entre éleveurs et agriculteurs. Aujourd’hui, il n’y a presque pas de plainte. Tout est géré à la base par le comité », explique le Directeur Préfectoral de l’Élevage et de l’Agriculture de Lola, Moussa I CAMARA.
De Tinkoro à Togobala, en passant par Dirita, l'engagement en faveur de la paix et de la cohésion sociale se concrétise sans relâche grâce à ce projet soutenu par le Fonds de Consolidation de la Paix (PBF). En investissant dans des initiatives visant à améliorer l'accès aux ressources et à renforcer les capacités dans les zones transfrontalières, il est possible d'instaurer un climat de confiance et d’unité à même de contribuer à une prospérité durable pour les communautés locales. C’est pourquoi, depuis son implantation en Guinée en 2007, le PBF apporte son soutien aux initiatives locales, tant au niveau national que communautaire, pour promouvoir la paix, en prévenant et gérant les conflits.
Écrit par Ousmane Bangoura, Analyste Communication, PBF Guinée
Avec la contribution de BAH Thierno Souleymane, Spécialiste Plaidoyer et Communications des Programmes du SNU